vendredi 8 décembre 2017

Sons of a bitch !


Mon repas de ce soir ?

En ce moment, il y a du vent, et je vais régulièrement naviguer sur la retenue d'eau de Lam Chamuak, cet endroit désert, rural et maléfique qui me fascine (et dont j'ai déjà parlé ici et encore ici).

Chaque fois que nous empruntons la route de terre bien cabossée qui mène au lac, nous voyons cinq chiots qui vivent leur vie au milieu des champs de cannes, loin de toute habitation. Ce sont des animaux de bel aspect, d'allure sympathique. On ne voit pas leurs côtes. Ce qui est amusant, c'est qu'on dirait qu'ils ont eu cinq pères différents : sons of a bitch !

J'arrête le pick-up et j'approche. L'un, qui ressemble à un ratier, file à toute allure. Il en reste quatre. Le blanc pelucheux fait front et aboie courageusement. Encore dix mètres, le gris détale sur la gauche dans des fourrés. Cinq mètres, deux autres se précipitent en contrebas, dans une mare. Il ne reste que le gueulard. Il me regarde d'un œil où on lit la crainte, mais aussi une interrogation : sans doute le plus courageux, peut-être le plus intelligent ? En tout cas celui qui mériterait le plus d'être ramené à la maison.

- Il n'y a pas de maisons aux alentours. Ils ont sans doute été abandonnés, me dit Fon.
- C'est étrange ! Ils auraient pu les tuer à la naissance.
- Ah non !
- Mais est-ce qu'ils ne vont pas mourir de faim, livrés à eux-mêmes ?
- On n'a pas le droit de tuer les chiens en Thaïlande. Strictement interdit. Depuis très longtemps.
- Mais pourquoi ?
- C'est dans la loi… Autrefois, on mangeait les chiens ici.
- Par imitation des chinois ?
- Je ne sais pas qui a imité qui…
- Mais c'est quoi, le problème ? On mange bien les poules.
- Je sais, on mange les poules, les canards, les zébus, mais ce n'est pas pareils. Les chiens, on les a parce qu'ils gardent la maison.
- Et alors ?
- Ce serait cruel de les manger…

Elle a sorti le dictionnaire, parce que là, cruel, c'est vraiment un mot que je ne connais pas.

Voici une photo complètement con, que j'ai piquée sur Wiki : elle s'intitule vietnamese dog food. Mais si je t'avais pas dit, comment aurais-tu deviné que c'était du chien ? Par l'odeur de chien mouillé ? Ou le jappement plaintif quand tu croques ?

Il paraît que la religion bouddhiste n'est pas très favorable aux repas de chiens. Peut-être la raison pour laquelle la Thaïlande n'est pas connue par cet élément culturel - qu'on attribue aux chinois et aux vietnamiens. Mais d'après Wiki, il y avait des boucheries de chiens à Paris jusqu'au début des années 1900. Alors dans la poche, le mépris et l'invective.

Le vent souffle, le lac m'attend, il faut remonter dans le pick-up. J'aurais bien ramené le gueulard à la maison - avec qui je me sens en sympathie, va savoir pourquoi ! Mais il y a déjà quatre chiens à la ferme…

J'espère que tu n'as pas prévu de passer tout de suite à table. (Photo par Schwede66 — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=24134448)




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