vendredi 28 avril 2017

Marine et les putes




Un ami m'a envoyé les résultats du premier tour du scrutin - communication de l'ambassadeur de France lui-même.

Ils sont bien différent des résultats nationaux. Comme il n'existe pas d'étude sociologique des expatriés en Thaïlande, j'ai décidé de faire du reverse engineering et d'essayer de dresser un portrait sommaire de ces expatriés à partir de leur vote. Je remercie par avance ceux qui apporteraient des correctif - techniquement argumentés - à cette modeste ébauche.

Je ne dispose pas du nombre d'abstentionnistes par bureau de vote, juste de l'abstention globale, qui est de 56%. Ce qui limite aux votants ces observations et introduit une grosse incertitude.

Quand on vit à Bangkok, c'est un effort de traverser la ville… mais rien à voir avec l'habitant d'un petit bled aux confins de l'Isan, situé à 150 km du bureau de vote de Khon Kaen. On pourrait penser que l'abstention est proportionnelle à la difficulté d'aller voter. Et qu'en fait, seul le facteur distance différencierait les votants des 33% d'abstentionnistes supplémentaires par rapport à la métropole (78 - 45 = 33). C'est une hypothèse sur laquelle on ne peut tabler, le risque de biais est bien trop grand. Ces 33% - un tiers des électeurs potentiels - constituent donc une boîte noire bien mystérieuse. Le candidat qui pourrait mettre la main dessus toucherait le jackpot !

Au final, avec les suffrages exprimés, on se retrouve avec deux candidats à 30%, François Fillon et Emmanuel Macron. Suivent Marine Le Pen à 20% puis Jean-Luc Mélanchon à 10%. On arrive à 90%. Les 10% restant, c'est la poussière des petits candidats, y compris le malheureux Benoît Hamon, qui a apparemment morflé pour le Parti Socialiste, outre qu'il n'a pas été assez démagogue, loin s'en faut (ce qu'on appelle une "mauvaise campagne" dans les médias).

Le premier constat, c'est que les expats qui votent ne sont pas extrémistes. Certes, Marine Le Pen se maintient quasiment à son score national, mais Jean-Luc Mélanchon prend un rude coup. Peut-être n'aime-t-on pas les staliniens ici. Pourquoi ? L'expat ne serait-il pas plus individualiste que la moyenne - et donc par principe éloigné des idéologies communistes ? Je le croirais volontiers. Autre abord du problème : Jean-Luc Mélanchon a fait une belle campagne, avec un succès tout particulier auprès des jeunes. Or la structure des âges des expatriés ne lui est pas favorable.

Continuons notre analyse. Il ne faut pas oublier que Bangkok représente plus de 60% des votants. Les expatriés - et surtout les expatriés qui peuvent et veulent voter s'y concentrent. En voyant la différence de votes entre Bangkok et les autres villes, il me semble qu'on a affaire à des sociologies très différentes. Je pressens l'expat de Bangkok comme plus jeune, mieux formé que celui des autres villes : c'est sans doute un expat entreprenant, actif et non un retraité, et il est là pour le boulot. Il a une vision moins "révolutionnaire" ou extrême de la politique, puisqu'il vote à 70% pour les deux candidats les plus proches du centre (moyenne nationale 44%).

Ce poids numérique de Bangkok efface le vote très Le Peniste des autres villes: Chiang Mai à 26%, Pattaya à 35%, Phuket à 36% et Khon Kaen à 38%.

Ce que je retiens en fin de compte, c'est l'hypothèse d'une fracture importante entre deux groupes d'expats, d'un côté les actifs de Bangkok, cadres qui votent plus pour Emmanuel Macron ou François Fillon, d'un autre, un groupe éparpillé dans le reste de la Thaïlande, plus âgé, retraité, avec des revenus moins élevés, individualiste et donc assez peu communiste, où se retrouve plus volontiers la revendication populiste représentée par Marine Le Pen. Ces deux groupes étant un peu trop âgés pour abonder le vote mélanchoniste.

Un ami facétieux m'a demandé d'étudier le rapport entre le nombre de putes dans la ville du votant et le vote Le Péniste. Je l'ai déçu en lui disant que je n'avais pas réussi à mettre en relation ces deux variables. Il existe pourtant une corrélation entre le vote Marine Le Pen et le nombre de putes dans la ville du votant quand on examine les chiffres bruts. Mais cette corrélation passe par des variables intermédiaires : ce n'est pas un lien de cause à effet. En conséquence, un statisticien digne de ce nom ne dira jamais que ceux qui votent Marine Le Pen sont des fils de putes... mais ne peut exclure qu'ils en soient les clients !


Un mot sur la méthode :

Pour obtenir des significations statistiques, il était nécessaire de poser des hypothèses et de faire des regroupements.

Il y avait six bureaux de vote, dont deux à Bangkok. J'ai pris sur moi de les regrouper en un seul, en émettant l'hypothèse que les votants de Bangkok avaient a priori des caractéristiques proches (ce n'était pas comme si j'avais fusionné les résultats du neuf cube avec Neuilly-Auteuil-Passy).

J'ai aussi observé que les "petits" candidats avaient une représentation tellement faible qu'ils risquaient de faire basculer dans l'incertitude statistique l'ensemble des résultats. J'ai donc pris sur moi de les fusionner.

Juste avant de faire disparaître François Asselineau dans le pool des petits, j'ai eu le temps de voir qu'il réalisait un score étonnant, quasiment à égalité avec Benoît Hamon. Il faut dire que Benoît Hamon recueille 3%, ce qui n'est pas beaucoup. Mais François Asselineau fait trois fois plus en Thaïlande qu'en métropole. Pourquoi un candidat décrit par Wikipedia comme potentiellement "souverainiste, antiaméricain et conspirationniste" a-t-il autant de succès ici, c'est une intéressante question sur l'état d'esprit qu'on peut parfois trouver ici. 

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