lundi 24 avril 2017

Les charmes de l'administration française…



Il y a quelques mois, j'ai indiqué au consulat que je déménageais, et j'ai demandé s'il était possible de m'attribuer un bureau de vote conforme à ma nouvelle adresse.

Réponse positive, par mail - noir sur blanc.

Mais bon, de là à les croire, non. Je ne suis pas bête à ce point. Certes, j'ai une bonne opinion de l'ambassade de France à Bangkok. Je les trouve plus civils, plus réactifs, plus efficaces que leurs équivalents métropolitains. Après tout, ils sont des nôtres, ce sont aussi des expats !

Mais le corps des fonctionnaires a des règles très particulières. Le roman de Balzac qui les décrit - les employés - est toujours sinistrement d'actualité. C'est un corps qui interdit les critiques - la fameuse obligation de réserve, et qui poursuit si sévèrement les fautifs. Autant dans l'armée où doit prévaloir l'obéissance absolue, le droit de réserve a du sens, autant dans l'administration, je peine à en comprendre l'utilité pour la collectivité.

De plus, l'administration bénéficie de tribunaux spéciaux, les tribunaux administratifs, dont les juges ne sont pas recrutés parmi les élèves du concours de la magistrature mais dans son propre corps : ce ne sont pas exactement des professionnels de la justice. Les statistiques sur les décisions que rendent ces tribunaux montrent qu'en règle générale, c'est l'administration qui gagne (même si une légère amélioration de la situation de l'administré se dessine). Autant dire qu'elle cultive largement la culture de l'impunité et donc, tout naturellement, de l'irresponsabilité.

Il y a pourtant d'excellents fonctionnaires.  J'en compte parmi mes amis proches. Mais que de maladresses, d'erreurs et d'incohérences dans la gestion quotidienne !

Quand j'ai rempli pour la première fois le document qui permet d'obtenir une carte consulaire,  on m'a demandé une adresse. J'ai répondu que je n'en avais pas, j'étais itinérant à l'époque, je découvrais le pays. Mais j'ai proposé un email et un numéro de téléphone. En vain. La carte m'a été refusée. Sans discussion possible.

Il se trouve qu'une publication semi-officielle se plaignait récemment du nombre de français qui ne se font pas recenser par le consulat. Cette question a été soulevée devant moi par un administratif , et je lui ai fait part de mon étonnement :
- Est-ce qu'il n'y a pas contradiction ? D'un côté, vous vous plaignez de ne pas avoir un recensement réaliste des expatriés, de l'autre, vous dressez des obstacles à leur inscription consulaire. Car honnêtement, le fait de ne pas avoir d'adresse fixe quand on voyage n'est pas une aberration, si…?
- Oui, mais vous comprenez, en cas de catastrophe, s'il n'y a plus d'électricité, l'email, le téléphone ne marchent plus…

Je comprends bien qu'il soit nécessaire à l'ambassade de localiser les ressortissants français. Mais… faute de grive, on mange des merles : il eût été préférable de pouvoir me joindre au téléphone ou par mail s'ils fonctionnaient encore - ce qui était le cas il y a trois ans, par exemple, quand il y avait des troubles à Bangkok. Mon interlocuteur a préféré ne pas répondre...

J'ai fini par avoir une adresse. Une vraie. Pas comme certains que j'ai croisés et qui ont donné l'adresse d'un hôtel où ils étaient restés trois jours, avec un certificat d'hébergement acheté au  tôlier quelques centaines de bahts : un faux largement induit par l'administration…

En remplissant le formulaire, j'ai vu qu'on me demandait si je voulais être inscrit sur les listes électorales de l'ambassade. J'ai répondu non. Facile : une case à cocher. Mais j'ai découvert par la suite que j'avais été inscrit d'autorité. Tout en continuant de recevoir des courriers de ma résidence principale en France disant que j'étais bien inscrit au pays.

Mais bon. J'ai accepté de voter ici. Et j'ai clarifié la situation.

Il se trouve que la période des élections coïncidait avec un voyage dont les dates ne dépendaient pas de moi. J'avais encore deux mois devant moi. J'ai jugé plus prudent de donner mandat à un ami de Bangkok qui a les mêmes idées que moi. Oui, mais Bangkok…? Cela ne correspondait à aucune de mes adresses, ni l'ancienne ni la nouvelle.

Je relis le formulaire, et je vois que la personne mandatée doit être inscrite sur la même liste consulaire que moi. Je recherche la définition d'une liste consulaire sur le site de l'ambassade et ailleurs. Rien. Impossible de trouver l'information. Mais bon, comme c'est le consul lui-même qui recevra ma procuration, il saura me dire si la procuration que je donne est valide. Et puis un consul, il n'y en a qu'un seul - un consul, une seule liste consulaire - logique, non ?

Je rencontre le consul qui parcourt le pays pour recevoir les procurations, il valide mon mandat sans broncher.

Puis je reçois un mail me donnant l'adresse où je dois voter à mon ancienne adresse. Persévération administrative, sans doute - il s'agit d'un mail circulaire, et non d'un mail à mon intention expresse, comme celui qui m'avait indiqué que je pourrai voter à ma nouvelle adresse. J'ai le tort de ne pas m'inquiéter.

Le jour du vote, mon ami m'appelle catastrophé. Il ne peut pas voter pour moi. On a refusé de prendre sa procuration. Des mois que je m'occupe de mon inscription… Tout ça pour ça ? Frustration…

J'écris un courrier (mesuré) à l'administration avec copie de leur mail indiquant que je devais voter à l'ancienne adresse, copie de l'autre mail indiquant que je devais voter à la nouvelle adresse, et m'étonnant de ce que le consul ait reçu ma procuration alors que l'adresse de mon ami figurait clairement sur la procuration.

J'ai reçu une réponse. Enfin, peut-on appeler ça une réponse ? Aucune référence aux éléments que j'ai fournis. Aucune excuse :

Votre bureau de vote est à Pattaya.
Le bureau de vote de M. XXX est à Bangkok.
Il ne lui a donc pas été possible de voter pour vous.

Une phrase pour dire que je dois refaire une procuration. Et pas de signature.

Tout le monde peut se tromper. J'avoue que ça m'arrive tous les jours. Et si mon erreur aboutit à léser quelqu'un, je m'excuse. N'est pas ce qu'on t'a appris à faire ? N'est pas un signe de respect de l'autre et de bonne éducation ?

Sur le site Service Public, on lit d'ailleurs : L'usager doit savoir le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administrative de l'agent en charge de traiter sa demande. Les courriers adressés à l'usager doivent les mentionner. L'anonymat de l'agent ne peut être invoqué que pour des motifs de sécurité publique ou des personnes.

Je ne serais pas étonné qu'une partie de ceux qui votent pour des candidats promettant de dégraisser le mammouth administratif aient l'idée de diminuer le nombre gens par qui ils se sont fait un jour maltraiter...

L'administration française se grandirait de reconnaître ses erreurs, de se montrer civile, ou simplement de manifester un peu de sollicitude. Elle aurait aussi tout à y gagner.

[Il y a une suite : arrivé en France, j'ai trouvé dans mon courrier une carte de vote. Je suis allé à la mairie où on m'a dit que j'étais inscrit. J'ai expliqué la situation. On m'a dit que je pouvais voter moyennant le remplissage d'un formulaire où j'attestais n'avoir pas fait de procuration. Le dimanche suivant, je votais en France après avoir rempli un formulaire où on ne me demandait aucune attestation. Si j'avais voulu, j'aurais aussi bien pu faire voter quelqu'un à ma place à Pattaya... et plaider l'innocence. J'aurais voté deux fois !]

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