samedi 2 janvier 2016

Un coin cuisine dans l'Isan






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Neuf heures du soir : il fait nuit depuis trois heures, je suis au lit depuis une heure, ma liseuse me tombe des mains et je m'endors comme une masse. Mieux vaut se coucher tôt, car demain, les hauts parleurs du village ou du marché cracheront leurs décibels dès cinq heures et demie, voire plus tôt.

Une fois réveillé, il faut attendre trois bonnes heures avant de dé-jeûner : ici le repas du matin ne se prend pas avant 9 heures, sauf exception. En principe, il y a deux repas par jour. Le repas du soir se prend aux alentours de 17 heures 30, trois heures avant de se coucher. En fait, je pense qu'il n'y a pas une totale fixité des repas : on mange quand on a fini de faire la cuisine, et quand on a faim.

La culture culinaire varie selon les régions, les niveaux sociaux et les particularités familiales : chaque foyer a ses habitudes, son plat fétiche, ses évitements et ses dégoûts. Mais il y a un fond commun. Voici les menus des repas que j'ai pris à la ferme cette semaine, semaine prise au hasard, mais assez représentative du régime ordinaire - sinon que je refuse de manger du poisson local et donc qu'on ne m'en propose pas. J'ai toujours peur qu'il ait passé une semaine au soleil, les tripes à l'air, avant d'arriver dans mon assiette - encore un préjugé que j'ai la faiblesse de ne pas combattre.


dimanche matin : du riz cuit au rice cooker, des aubergines rondes revenues avec un émincé de porc (ce sont des petites aubergines de forme sphérique, qui restent toujours vertes - parfois d'un joli  vert clair strié de blanc). Les aubergines sont coupées en quatre, et j'ai toujours l'impression qu'il s'agit de citrons verts. Elles sont cuites avec du basilic, et aussi beaucoup d'aneth - où une herbe de la même famille qui fleure l'anis.
Il existe une variante avec de la noix de coco. C'est doux, un petit Bouddha en culottes de satin...

dimanche soir : du riz, des haricots verts frais, bien fermes, assez gros et coupés en morceaux, revenus avec un émincé de porc. Il ne reste hélas plus de ces délicieuses bananes frites ni des palets à la noix de coco que j'ai achetés ce matin sur le marché du village.

lundi matin : du riz cuit, un émincé de porc revenu
avec un genre de plante grimpante - surtout des tiges et quelques feuilles cuites ; Fon me dit qu'il s'agit de morning glory, qu'il ne faut pas confondre avec le water spinach, épinard d'eau - car son morning glory à elle ne pousse pas dans l'eau ; il s'agirait d'un genre de volubilis… mais d'après ce que je lis sur internet, cette plante contiendrait de l'ergine, un alcaloïde proche du LSD. Pour l'instant, aucun effet secondaire…

lundi soir : riz sauté au porc - en fait un parent du riz cantonnais ; dans le riz, il y a divers légumes, des carottes, des tiges d'oignon vert, et aussi de l'œuf. C'est un grand classique des restaurants, qu'on appelle Khao pat - soit avec du porc (Khao pat Mou), du poulet (Khao pat Gai), des crevettes (Khao pat Gung) ou tout autre chose. Il faut y ajouter un filet de citron, et quelques rondelles de concombre. Dans les restaurants, on sert à côté du piment en petits anneaux dans du vinaigre, car à la base, ce plat n'est pas très épicé. Quant à moi, je suis allé au buisson de piment, j'en ai cueilli un - un seul - et je l'ai coupé en rondelles. Très parfumé, mais costaud : j'ai rapidement attrapé le hoquet…

mardi matin : du riz, avec des pousses de maïs revenues avec du porc et un peu de carottes ; les pousses ont déjà l'aspect de petits épis - c'est mignon ; la cuisinière a rajouté du sucre. Concombres crus en annexe. Pastèque et bananes-figues en dessert.

mardi soir : du riz, un émincé de porc avec des aubergines longues (mais vertes, pas noires comme en France, et plus fines), avec du basilic - en abondance. Je demande à Fon pourquoi il y a tant de porc et si peu de poulet. Est-ce parce que le porc est moins cher ? Pas du tout, répond-elle, nous préférons le porc, c'est tout. Je ne pourrais même pas dire que cette viande est plus grasse et moins saine : le père, la mère, le frère de Fon, et Fon elle-même - pas un n'a un gramme de graisse. Mais il y a une autre explication : le poulet a très mauvaise réputation, quand il ne vient pas de la ferme, il est supposé avoir été copieusement nourri aux hormones.

mercredi matin : du riz, un accompagnement fait de morceaux de porc avec les os, trempant dans un bouillon avec des navets et du basilic ; et un autre accompagnement à base de potiron bouilli puis revenu avec du porc en émincé [photo] ; ici, le potiron a la taille d'un melon, une texture et un goût différents du potiron orange français ; il y a une variante : potiron et grains de maïs bouilli - c'est bon aussi.

Mai me propose un troisième plat - froid - des nouilles très fines et très blanches qu'accompagne un genre de velouté liquide, beige, d'aspect engageant, au poisson, dont le goût n'est pas trop fort. Concombres avant, bananes-figues après.

mercredi soir : du riz, un émincé de porc avec du chou fleur. Quelques heures avant le dîner, une voisine à qui la famille avait offert des concombres est venue apporter une grosse patate douce bouillie, d'une superbe couleur violette, que nous avons mangée comme une pomme de terre en robe des champs. J'avais déjà eu l'occasion de manger des patates douces en Thaïlande, mais d'une autre variété - de couleur blanche [photo ci-dessus]

jeudi matin : du riz, un émincé de porc avec des concombres cuits [sur la photo, ce ne sont pas des comcombres, mais des "angled luffa" ou loofah, un légume vert avec des angles, des côtes].

 La tante qui habite à côté nous a apporté un plat de nouilles fines avec des boulettes et des parallélépipèdes de viande de porc hachée ultra fine, un émincé de porc, et une bonne sauce épaisse bien marron. Nous avons tout mangé !


jeudi soir : nous ne dînons pas à la maison. Je commande de la papaya salad, mais elle est préparée à la mode locale : à la dynamite...


vendredi matin : riz sauté au porc ou "Khao pat Mou", la même chose que lundi soir. [j'en profite pour publier une photo d'un autre plat courant à base de moringa, un arbuste qui monte à dix mètres aux vertus médicinales parait-il extraordinaires - ce dont je ne crois pas un mot]

vendredi soir : aubergines rondes, porc, riz : même chose que dimanche matin ; peut-être convient-il de noter que tout ces plats sont parfumés à l'ail, mais il y en a très peu, ou il a un goût beaucoup moins prononcé car on le sent à peine et on peut embrasser sa cavalière après le dîner.[j'en profite pour publier une photo d'un autre plat courant à base gousses de petits pois avec des carottes]

samedi matin : du riz, un émincé de porc avec du chou. Concombre cru en annexe. Mais nous déjeunons tard et nous avons droit à un accompagnement de choix : c'est la fête au village, et dans le pré communal, d'énormes enceintes crachent un son immonde, dénaturant à peine une musique de cinquième zone faite d'une succession d'accords à partir d'un la mineur, toujours les mêmes ; sur ce fond de karaoké, un villageois hurle, et c'est tellement faux que ça me fait rigoler ; je crois qu'aujourd'hui, on a battu un record de hideur auditive.

samedi soir : pad thaï Korat, un plat de nouilles sautées avec un œuf, des pousses d'ognons jeunes, qu'on recouvre d'un filet de citron ; sur ce pad thaï, il n'y a pas le tofu ni les miettes de cacahouètes traditionnels - c'est une recette locale ; parallèlement, Fon déguste du riz qu'elle recouvre d'une sauce très épicée contenant d'assez gros morceaux de poissons. C'est La-Moun qui les a pêché en asséchant une mare (et une bouteille de Cygne d'Or) - comme il fait rituellement tous les ans pendant la saison sèche, avec des copains. Il en a rapporté un sac d'une vingtaine de kilos, de toutes les tailles. On les a grillés au barbecue il y a cinq jours, et depuis, ils attendent tranquillement leur tour, planqués sous le toit de la cuisine ; le plat n'est pas mauvais, mais vraiment trop épicé… et puis préjugés-préjugés...

La semaine est terminée. Tels sont les modestes plats, cher ami, que tu auras l'occasion de goûter si tu me fais l'honneur de me rendre visite et de passer quelques jours dans ma nouvelle maison. Et si tu as un petit creux entre les repas, je tiens à ta disposition des briquettes de lait de soja, des fruits de saison, grenades, pastèques, bananes-figues, mangues jaunes, et papayes du jardin. Et pour ton thé, des bergamotes tombées de l'arbre.

A moins d'avoir une dent contre le riz... tu ne devrais pas mourir de faim.


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