vendredi 11 septembre 2015

Scènes de la vie à la ferme (chroniques de Thaïlande - 4)





Il ne se passe rien à la ferme. Que puis-je raconter ? Comme j'ai pris l'habitude de manger du concombre bouilli découpé en lanières avec le riz ? Ce n'est pas très fort en goût, le concombre cuit, mais c'est bon. Pas vraiment passionnant.

Comme les gens du coin s'étonnent de me voir dans cet endroit (particulièrement l'épicerie où il y a internet), et me posent systématiquement la question : "Mais comment peut-on être persan ?" Je plaisante, ils n'ont bien sûr pas tes connaissances.

M'étonner de ce que Fon apporte un grand bol d'eau chaude à tous les repas, et le boit presque tout entier. "Mais pourquoi ?" demandai-je. "C'est bon pour la digestion, pour l'allaitement." répond-elle catégorique. En Thaïlande comme en France, tout le monde est médecin et me donne des leçons. J'aurais dû être mathématicien, j'aurais eu à supporter moins de lectures. Bref, je lui fais remarquer qu'elle en buvait avant d'être enceinte. "J'aime ça", grand sourire, et là, c'est sans appel. Il ne faut pas imaginer que ce "bol d'eau chaude" soit une figure de style pour désigner du thé, ou une tisane. Ou alors c'est un thé sans thé.
Ah si, il s'est passé hier un évènement important. Un évènement qui a propulsé la ferme dans un autre siècle - et sans Tardis ! J'ai obtenu qu'on pose une douche. A vrai dire, je pensais simplement acheter un pommeau de douche avec un tuyau que j'aurais branché sur le robinet de la salle de bain. Mais Fon m'a dit que son frère allait installer une vraie douche.

Nous sommes allés acheter le matériel dans une quincaillerie installée au milieu de nulle part (et j'en ai eu pour un exorbitant huit euros). Il y avait trois mètres de tube de pvc, quelques coudes et un T, de la colle, un kit de douche et quelques autres bricoles. De retour à la ferme, Lamoun a très facilement retrouvé le tuyau adducteur dans le sol de sable.

Lamoun est très gentil, mais ce n'est pas un bricoleur génial. Je passerai sur les erreurs qu'il a commises, notamment du fait qu'il n'a pas mesuré une seule fois une longueur de tuyau ni prêté la moindre attention aux angles de branchement… Mais finalement, la douche a été installée de façon solide et efficace : j'ai évité le problème de la douche qui se pisse dessus - ces douches qui, une fois accrochées à leur support, sont presque verticales, et dégoulinent dès que la pression baisse.

On ne dira pas assez le bonheur de prendre une douche presque fraîche ici dès qu'on se sent en sueur. J'ai rémunéré Lamoun, et pour fêter l'évènement, je suis allé acheter de l'alcool de riz. Nous avons ouvert la bouteille, j'ai goûté. Ça ressemblerait vaguement à la téquila - et les thaïs boivent d'ailleurs ce "lao" avec du sel. Mais bon, après un premier shot, j'ai carrément préféré aller étrenner la douche. Maintenant, à part Fon et moi, je me demande bien qui va s'en servir. Je vais guetter la famille…

Il y a quelques jours, j'ai rencontré un australien à l'épicerie. Un sexagénaire, au physique et à l'accent très épais, mais plutôt sympathique. Il m'a raconté qu'il avait fait vingt ans d'armée. Et qu'il était devenu ingénieur en construction, ingénieur en carrelage, ingénieur en je ne sais plus quoi encore. Good for him. Il est évidemment marié à une thaïe (very good wife), et il habite chez elle, derrière le temple, seconde maison après celle de sa famille (very good family) en attendant la fin de la construction de sa maison où il habitera avec sa femme et son beau fils (very good lad). La première chose qu'il a faite, c'est construire un mur, un immense mur qui emprisonne tout son terrain. Pourquoi ce mur ? Personne ne construit de murs clos, ici (mais il est vrai que le manque d'argent y est peut-être pour quelque chose). A-t-il peur d'être attaqué ? L'environnement est particulièrement paisible. Veut-il s'isoler ? Il habite tout au bout du village, et au-delà de son terrain, il n'y a que des champs - dont le mur masque d'ailleurs la jolie perspective. Mais bon, il a son mur - vingt-mille parpaings me dit-il fièrement.

L'australien me présente le mari de l'épicière, que je connais évidemment déjà. "C'est le policier du village. Very good man, yes, excellent !", insiste-t-il. Il y a dans sa manière de le présenter quelque chose de légèrement colonial, une condescendance que je n'aime pas.

Il a un beau chien, d'assez grande taille. "C'est un chien que j'ai trouvé sur mon terrain, mais les gens d'ici, voyez-vous, ne nourrissent pas leurs animaux, et ils n'atteignent pas leur taille normale". J'ai un contre-exemple, car la mère de Fon prépare quatre solides écuelles de riz accompagnées de restes tous les jours pour les chiens de la ferme, et avec ce qu'ils mendient quand on est à table, ils sont tout sauf mal nourris. Peu importe, je laisse passer. "Mon chien garde férocement son territoire, mais il a tendance à aller se promener. C'est pour ça que je garde toujours mon terrain fermé." continue-t-il. Le chien doit être triste de ne pas pouvoir se mêle à la vie de rue qui agrémente la vie des autres chiens. Quant à cette férocité : "je laisse faire, je trouve ça bien…" Là encore, il est en opposition avec les locaux, qui tendent à civiliser leurs animaux. But it's a... very good dog !

Quand je raconte ma rencontre à Fon, elle est déjà au courant. Elle me dira qu'il boit de temps en temps trois bières (de 66 cl.) le soir dans la partie café de l'épicerie, devant l'épicière, le policier et d'autres clients. Et qu'il dodeline et pique du nez à l'amusement de tous. Jolly good fun !



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