Semarang
est un grand port à quatre cent kilomètres à l'Est de Jakarta. Quand on regarde
sur internet, on voit que des hommes très célèbres y ont pris naissance. Parmi
lesquels l'illustre Purnomo Yusgiantoro, l'extraordinaire Hubertus van Mook, la
fameuse Anne Avantie - comment, vous ne connaissez pas Anne Avantie ?!? Et
aussi Einthoven, l'inventeur de l'électrocardiogramme, dont le nom m'était
familier pour l'avoir lu sur des machines que j'ai longtemps utilisées, tout en
pensant que c'était le lieu de fabrication de l'appareil.
A
Semarang, il y a ma vieille amie Yati, que je retrouve à l'aéroport. Elle a
retenu une chambre pour moi à l'hôtel de l'imam Bonjol, qui m'est familier.
L'hôtel, pas l'imam, mort en 1864 après une
vie exemplaire comme chef d'un parti prônant le retour à la pureté d'un islam
débarrassé de ses scories comme : le jeu, les combats de coqs, la
consommation d'opium, de boissons fortes et de tabac, et le pouvoir des femmes
dans certaine obscure société matrilinéaire. Comme quoi, certains critiquent
cette confession, mais l'islam avec ses scories me semble une religion tout à
fait acceptable.
L'hôtel
qui porte son nom est un curieux établissement où je recommanderais de ne
jamais amener sa fiancée, surtout pour une première fois. Il est situé au
premier étage, au dessus d'un Indomaret (ces superettes sont à l'Indonésie ce
que sont les Seven Eleven à la Thaïlande). J'y prends la seule chambre qui soit
vraiment lumineuse, par trois grandes baies dont deux donnent sur la rue. Évidemment, il y a du bruit pendant la journée - la perfection n'est pas de ce
monde. Sinon, il y règne une atmosphère curieuse, intermédiaire entre le camp
de louveteaux et l'association de malfaiteurs. Les gens, d'aspect parfois
patibulaire, y sont très gentil, très polis. Si on croise leur regard, on les
voit avancer la main discrètement vers leur holster. La seconde d'après, ils
défouraillent un grand sourire - pan, pan, à bout portant, en plein dans ta
surprise.
Cet
hôtel, c'est une communauté, avec un réfrigérateur commun, une télé commune, une
fontaine d'eau commune, une armoire commune où on puise ses serviettes, des
douches communes (mais une personne à la fois - comme pour les ouatères) où je
trouve des morceaux de savons communs, encore tièdes. En fait, c'est un hôtel
en kit.
Le
soir, autour d'une table, elle aussi commune, des personnages louches jouent aux
cartes en fumant. Juste à côté, un appareil de musculation, énorme, encombrant,
qui trouve parfois utilisateur en la personne d'un jeune américain - égaré là par
le commentaire trop favorable que j'ai laissé sur Agoda.com : c'était
l'époque où on gagnait des points en tirant à la ligne, lorsqu'on rédigeait ses
impressions sur les hôtels. Et quand ce n'est pas le jeune américain, c'est un petit
indonésien aux bras de Popeye, qui fait tranquillement ses push-up au milieu d'un
nuage de fumée bleue.
Dument
installé chez l'imam, j'invite Yati à dîner en ville. Elle nous trouve un
endroit sympathique, où la nourriture est assez bonne. A boire, il y a une
impressionnante carte des jus, et je choisis le jamboo, au nom aussi fruité que
le liquide rose et épais qui baigne les glaçons - c'est du jus de goyave. J'en
profite pour me faire confirmer qu'on ne trouve plus d'alcool en Indonésie
depuis un an. Et je lui demande pourquoi. Sachant qu'elle n'est pas une grande fanatique
de religion, j'attends une légère critique de l'islam. A mon grand étonnement,
elle m'explique que le gouvernement en avait assez de compter les morts, car un
nombre croissant d'indonésiens consommait de la bière mélangée avec soit des
produits anti-moustiques, soit des extrémités d'allumettes, ce qui apparemment n'est
pas bon pour la santé.
Suit
une explication que je comprends mal, où il est question de FBI… Comme le FBI
se trouve en position de détruire des réserves d'alcool, je me fais mettre les
points sur les i : le FPI (et non FBI qui pour une fois n'a rien fait) est le
Front de la Pureté de l'Islam. L'an dernier, des membres du FPI de Jakarta et
de Solo sont remontés vers une ville de moyenne importance, pas loin d'ici, où
ils ont attaqué les magasins, les restaurants, et détruit les stocks de bière
et de vodka. Ils auraient laissé plusieurs morts derrière eux.
Donc oui, on ne trouve plus d'alcool ici.
Sur
ces plaisantes perspectives d'avenir pour l'Indonésie, je me suis retiré dans
mes appartements et j'ai dormi du sommeil du juste.
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