Échoué par aventure dans un village à six heures du soir, en plein cœur de la Thaïlande,
dans une région plutôt montagneuse. Ruelles animées, car tout le monde rentre
du travail, ou vient de rentrer. Maisons en parpaings bruts cimentés pour les
plus riches, ou en tôles ondulées, ou toute en bois, ou encore en lattes de bambou.
Chemin sinueux et bosselé, qui monte et qui descend. Omniprésence des petites
motos, et de vieux pick-up japonais. Fumet du porc qui grille en brochettes sur
des charbons rouges. Une femme décroche des citrons verts sur l'arbre au bord
de la route avec un bâton. Des mangues pendent, elles sont encore trop vertes. Deux
hommes se rejoignent. Ils portent chacun un coq dans les bras, en le tenant au
dessus des cuisses - un peu à la manière dont je tiens ma kalache. Les coqs n'ont pas peur,
ils sont paisibles. L'un deux est assez déplumé, il a des zones où on voit la
peau rouge, piquée. Son maître est un jeune homme tatoué, qui le caresse, lui
arrache parfois un sous-duvet, lui frotte la tête, le bichonne. L'autre coq est
tout en plumes, il est plus gros et plus costaud. Mais je ne m'y fierais pas :
le déplumé a l'air d'avoir un caractère de cochon. Ce sont des bêtes de combat.
Ils cocoricoquent de temps en temps, pour rappeler qui ils sont ou répondre à
des copains qui semblent très nombreux : tout le monde a un coq, dans le
village.
Les
maîtres discutent un peu, s'éloignent comme pour échanger secrètement, puis
reviennent, s'installent un peu plus loin, dans une courette ouverte. Là,
sortant de je ne sais où, il y a un autre coq par terre, assez déplumé lui
aussi. Le tatoué dépose son coq, et le combat est engagé. C'est très étonnant.
Plumes hérissées, ils sautent, voltigent, se retournent pour donner un coup de
griffe, ils distribuent des coups de bec, sans cesser de caqueter. Ils
profitent de la baisse de la garde de leur adversaire pour leur envoyer un coup.
C'est presque humain. Parfois, ils font comme les boxeurs qui se prennent dans
les bras : l'un des coqs se retrouve sous l'aile de l'autre, et il y a comme
une pause. Il ne s'agit certainement pas d'un combat à mort, juste d'une petite
lutte d'entraînement.
Le
tatoué reprend son coq, et nous continuons notre route. En chemin, Fon
m'explique que cocorico se dit èk-i-èèk-èk en thaï. J'en prends bonne note.
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